Sur les photographies trop nettes, je nous revois comme statues
Figurer l’équité en col d’hermine, lauréats prêtant à la réussite
De pudiques serments d’amour, promesse sous une promotion de lustres
De sagesse au terme d’une carrière provinciale... Alors je brouille mon image
A l’aide de la bruine qui redouble, quand avant l’aube les caseyeurs
Hantent le môle dans leurs suaires étanches, je les rejoins
A bord d’un Terre-neuvas miniature, son moteur à deux temps
Ses filets conformes aux normes européennes.
Le soleil, tête d’épingle piquée à l’horizon
Divise le sillage qui se referme aussitôt comme une huître
Après moi rien n’aura changé. Je laisse à d’autres
La houle imprévisible des révolutions, la barque roule fort sous l’Atlantique
A révolter le foie de Surcouf. Les filets serrent leurs mailles autour des rochers
Flirtant dangereusement avec les temps néolithiques, j’écoute dans les sautes du vent
Les avertissements aigus des goélands, trois mots bien tournés ne donnent jamais raison
Devant le tribunal de la mer. L’après-midi la marée nous ramène
Au port prodigues ou silencieux, les mareyeurs travaillent pour Singapour
Glace et bacs en plastique jonchent le quai trempé. « Fini pour aujourd’hui », dit François
Les barques tirent sur leurs amarres, quand à l’Abri-Côtier l’alcool
Rapporte des nouvelles du Sud, canons décapsulés sous un arbre fruitier
Ou bien Kérel raconte une histoire, des rapaces planent sur des montagnes
Pelées comme les oranges qu’on décharge au port.
Le ciel prend une couleur pêche, moi une autre Margarita
Brève escale dans une chambre moite à la Désirade. Puis j’écoute
La fin de l’histoire, ou la gifle des vagues contre la jetée
Parlement où se décident les bulletins météo.